Lucien Lelong, héros de la haute couture.

En 1889, naît l’enfant de deux couturiers inscrits au microcosme sélectif qu’est la Chambre Syndicale de la couture française. 40 ans plus tard, cet enfant reprend leur maison de couture et s’empare de la mode parisienne, qui sans lui, aurait sans doute disparue. Ce couturier s’appelle Lucien Lelong. 

Après un service militaire qu’il effectue à l’âge de 20 ans, Lucien Lelong entre comme étudiant à HEC, anciennement appelée école des hautes études commerciales. En parallèle, c’est son oncle, marchand de tissus, qui lui apprend la couture. De son enfance baignée entre dès à coudre et salon d’essayage de la maison de couture de ses parents, découle sa vivifiante passion pour la mode. Rapidement, il décide de présenter sa propre collection de haute couture le 4 août 1914. Il n’en aura pas le temps : la Première guerre mondiale éclate, il est mobilisé. 

Malgré les tourments et les heures sombres que Lucien connaît, son engouement pour la couture ne disparaît pas. À son retour, il reprend la maison de ses parents et la baptise « Lucien Lelong ». Nous sommes en 1921, c’est le début de la carrière d’un couturier qui, par son courage et son talent, sauvera la mode française. 

Lucien avait le sens du marketing bien avant l’apparition de la publicité. Il gère sa maison d’une main de maître, et ses créations innovantes deviennent très vites virales. Entre installation Avenue Matignon, et création d’une ligne de parfum, il dégage du profit avec agilité, alors que le seul modèle existant est celui des éreintantes commandes de haute couture. À l’époque, les créations de haute couture sont sur-mesure et prennent plusieurs semaines à être livrées aux clientes. Le parfum est un bon moyen de proposer des produits finis, sans contraintes de temps. Grâce à ce judicieux modèle économique, ses boutiques se multiplient, son nom voyage à travers le monde : Lucien Lelong est, à l’époque, le couturier le plus adulé de la scène mode. Une réussite qui résonne jusqu’aux oreilles de l’organisme qui encadre toutes les maisons de couture française : la Chambre syndicale de la couture. Nous sommes en 1937, et Lucien Lelong en devient le président. 

1939, la France entre dans une des périodes les plus sombres de son histoire : la seconde guerre mondiale. Une grande partie de l’Hexagone vit sous l’occupation. La population souffre, l’économie plonge, toutes les industries doivent s’accrocher. C’est à ce moment que Lucien va jouer un rôle décisif dans l’avenir de la mode française. Les acheteurs viennent une dernière fois du monde entier pour découvrir les collections des couturiers, puis Paris devient une forteresse, avec les allemands comme gardiens. Cet engouement planétaire pour le savoir-faire français fait très vite envie aux nazis. Plusieurs officiers vont alors à la rencontre de Lucien Lelong, et lui demande de délocaliser toutes les maisons de couture à Berlin, avec leurs couturières (aussi appelée « petites mains »). Leur but était de transformer Berlin en capitale de la mode, et de prendre à Paris et à la France, son économie florissante et son image d’excellence. Lucien refuse catégoriquement, ce qui l’amène à négocier directement en Allemagne. Là bas, il obtient gain de cause. Il sauve la couture française pour la première fois. Mais il ne s’arrête pas là. 

La mode française va être confrontée à une autre menace : la faillite. Sans visibilité, les couturiers n’arrivent pas à vendre leur collection. Les stocks de matières premières sont restreints. Un nouveau défi que Lucien décide de relever avec aplomb, et beaucoup de culot. Il infiltre les déjeuners de la Table Ronde, une association pro-allemande. Au sein de leurs rangs, il négocie un laisser-passer vers Lyon, alors en zone libre, pour lui et les autres couturiers français en faisant croire qu’il organise un défilé caritatif, au profit des allemands. Il s’agit en fait d’un moyen de présenter les collections aux acheteurs du monde entier. Une ruse qui a très bien fonctionné puisuqu’elle a relancé l’économie de la couture, et a permis à de nombreuses maisons de rester ouvertes. Les nazis ont ensuite interdit toutes communications autour de la haute couture après s’être rendu compte de la supercherie. 

C’est ainsi que Lucien Lelong sauve la mode française et permet donc à Paris de rester capitale de la mode. Sans lui, la Fashion Week la plus attendue des calendriers aurait sans doute lieu à Berlin.

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